Avez-vous réussi à faire du vélo du premier coup ?

Le rapport à l’échec constitue un sujet clé de management au sein de l’entreprise, qui conditionne de façon très directe la performance en matière d’innovation.

L’échec, mal nécessaire ?

Un journaliste interview un entrepreneur à succès :

Journaliste : Quels sont les clés de votre réussite ?

Entrepreneur : Deux mots : Bonnes décisions.

J : Et comment prend-on les bonnes décisions ?

E : Un mot : Expérience.

J : Et comment construire cette expérience ?

E : Deux mots : Mauvaises décisions.

Il existe même des investisseurs qui ont érigé cette anecdote en règle d’investissement : « si vous n’avez pas déjà été en échec sur deux projets (avec l’argent des autres), vous n’avez pas assez d’expérience pour que je vous confie mes fonds. »

Le bon échec, le mauvais échec.

Comment définir l’échec ? Pour faire simple, disons que « l’échec, c’est quand ça se passe moins bien que prévu ».

Quand on a dit ça, il y a deux types d’échec :

– L’échec définitif, car trop coûteux.

Que ce soit sur le plan financier, sur la motivation, sur l’image, cet échec marque la fin de l’aventure. C’est le mauvais échec. Et bien qu’on puisse en apprendre beaucoup, il marque la fin d’un projet.

– Le revers provisoire, qui implique que ce n’est que partie remise. En modifiant quelques éléments, on va y arriver.

C’est un bon échec, car il est possible d’en sortir par le haut.

Chaque échec nous pose donc au moins deux questions :

– Est-il possible ou souhaitable de persévérer ?

– En quoi dois-je agir différemment pour réussir ?

De la capacité de l’entreprise à répondre rationnellement à ces questions, découle directement sa faculté d’apprentissage et donc d’innovation.

L’échec dans les modes de management.

En matière d’innovation, où l’incertitude est omniprésente, l’échec – bon ou mauvais – est très fréquent et quasiment inévitable (scoop !). Or l’entreprise est un écosystème orienté naturellement vers la performance et l’aversion au risque (notamment financier).

Rapide rappel : Toute entreprise se compose de deux types d’activités distinctes:

– L’exploitation, optimisée de longue date et de manière continue, où l’échec est proscrit,
– L’exploration, typiquement la R&D // l’innovation, qui sont naturellement beaucoup moins certaines d’obtenir des résultats à tous les coups. Comme disait Coluche, « des chercheurs qui cherchent, on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche… »

Comme à court terme l’exploitation est globalement un centre de profit, et l’exploration globalement un centre de coût, on comprend que les entreprises adoptent naturellement la culture dominante de l’exploitation : 0 échec ! Dès lors, comment rester innovant ? Et comment gérer celles et ceux dont les qualités naturelles et les responsabilités impliquent de prendre des risques ?

Le management, issu la plupart du temps de la culture de l’exploitation, laisse peu de place à une deuxième chance, et la conséquence de l’échec est la mise sur la touche. Ralentissement de carrière, placard ou licenciement, dans tous les cas, la progression s’arrête là dans l’entreprise. Le comportement spontané des organisations est la sélection naturelle par l’élimination.

Le postulat implicite est le suivant, directement issu de la culture d’optimisation des opérations d’exploitation : « on ne va garder que les meilleurs, ceux qui ne se trompent jamais. » Ce qui se passe en conséquence : « bon, ben dans le doute, je fais ce que j’ai toujours fait, et je ne prends pas de risque… » Il est beaucoup moins naturel de valoriser ceux qui ont essayé, et ont gagné de l’expérience en échouant.

Postulat alternatif pour innover : on se met dans une logique d’amélioration continue, et de bienveillance qui favorise l’initiative.
« Parle-nous de ton échec. Explique nous ce que tu en tires. Pour toi, et pour l’organisation, le projet, le produit. Comment construit-on quelque chose de valable là-dessus ? Et au fait, maintenant que tu as de l’expérience, voila des responsabilités supplémentaires. »
Résultat : Incroyable, l’initiative est effectivement encouragée, ça fonctionne !

Le mythe du héros. (Ou : pourquoi c’est plus facile à dire qu’à faire ?)

L’échec est orphelin.

Et rare sont les dirigeant(e)s de grandes entreprises qui ont connu des échecs notoires. Ou qui les assument et s’en vantent.

A contrario, ils cherchent généralement pour arriver aux hauts postes de direction, à projeter un modèle de réussite permanente et systématique. Encore cette culture dominante de l’exploitation. Et ce modèle rejaillit en permanence sur l’ensemble des collaborateurs. Lesquels se disent naturellement qu’il faut faire pareil et que toute contre-performance signifiera la fin de leurs espoirs de carrière.

Même si le portrait est grossier, on comprend bien la difficulté d’aller explorer des territoires incertains dans un tel contexte.

Dites merci aux défricheurs.

Seuls des actions symboliques fortes, répétées et consistantes dans le temps peuvent convaincre l’ensemble des collaborateurs que la prise de risque est récompensée.

En vrac :

– Racontez la vraie histoire des dirigeants. Assumez les carrières transversales, les aléas, les frustrations.

– Partagez les échecs, et insistez sur ce que vous en tirez.

– Jouez collectif, assumez ensemble, apprenez ensemble. Ne misez pas tout sur les héros providentiels.

– Récompensez vraiment et durablement les initiatives pertinentes, même si elles ne donnent pas les résultats espérés.

Échouer pour innover plus vite.

L’apprentissage « à la dure » permet une saine remise en question, qui poussera à tenter d’autres choses, supposées plus pertinentes.

Il faut l’accepter et en tirer les conclusions. Et quand il est bien anticipé, il devient un levier majeur de progrès pour l’organisation et les personnes qui la composent.

On appelle ça faire des expériences.

Pour les non scientifiques, nous rappellerons qu’une expérience ne consiste pas simplement à tenter jusqu’à ce que ça fonctionne. Une expérience consiste à poser une hypothèse, et à définir précisément un mode opératoire permettant de valider ou d’invalider cette hypothèse.

En matière d’innovation, cette démarche qui assume la dimension d’amélioration continue, et d’essai / erreur itératif s’appelle le lean start-up. C’est la meilleure façon d’aller plus vite et à moindre coût.

Assumez ce que vous ne pouvez pas éviter.

Vous avez tenu du premier coup sur votre vélo sans petites roulettes ? Pas moi.

Ça ne m’empêche pas d’avoir l’air d’un coureur quand je baisse la tête

PS : Discutons-en !

Boomer accompagne ses clients sur l’ensemble de la démarche innovation, et notamment dans la mise en place des processus itératifs qui permettent d’accélérer l’innovation en diminuant son coût.

Nous serions ravi d’échanger sur vos propres pratiques, contactez-nous !

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